Banque : le devoir de vigilance confronté au devoir de non-immixtion

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Il a été jugé que le banquier, tenu à une obligation de non-ingérence dans les affaires de son client, ne doit l’alerter qu’en présence d’ordres de paiement présentant des anomalies apparentes, sans s’immiscer dans l’opportunité des opérations financées.

Les faits

Le titulaire d’un compte bancaire émet des ordres de virement au bénéfice d’une société en paiement de factures de prestation de services.

Contestant la réalité des prestations facturées, il dépose plainte pour escroquerie et agit en responsabilité contre sa banque, lui reprochant un manquement à son devoir de vigilance.

La décision

Une cour d’appel fait droit à la demande formée contre la banque. Elle relève que les virements litigieux, effectués en l’espace de quatre mois, rompaient de manière manifeste avec les opérations antérieures et que le compte destinataire était situé à l’étranger. Elle ajoute que les factures accompagnant les ordres de virement présentaient des caractéristiques intrigantes, ne précisaient pas le siège social de la société destinataire des fonds et que le nombre et le montant des frais facturés ne pouvaient que susciter interrogation. Elle en déduit que, au regard du caractère manifestement complexe et inhabituel de l’opération, du fait des bizarreries apparentes affectant les factures transmises, la banque aurait dû interroger son client et attirer son attention.

La Cour de cassation censure cette décision. Le banquier, tenu à une obligation de non-ingérence dans les affaires de son client, ne doit l’alerter qu’en présence d’ordres de paiement présentant des anomalies apparentes détectables par un professionnel normalement diligent, sans s’immiscer dans l’opportunité des opérations financées. Par suite, il n’appartenait pas à la banque, tenue de ne pas s’immiscer dans les affaires de son client, de vérifier l’authenticité, le montant ou la nature des prestations figurant sur les factures accompagnant les ordres de virement.

Le principe de non-ingérence

Une obligation de vigilance... Le banquier est tenu de surveiller le fonctionnement des comptes de ses clients, mais cette obligation est limitée par un principe de non-ingérence, en vertu duquel il lui est interdit de s’immiscer dans leurs affaires.

Une anomalie apparente. La Haute Juridiction a été appelée à concilier cette obligation de vigilance avec le devoir de non-ingérence en utilisant la notion d’anomalie apparente : le banquier n’engage sa responsabilité pour manquement à son devoir de vigilance qu’en cas d’anomalies ou irrégularités apparentes (notamment, Cass. com. 14‑2‑2006 n° 04-16.464 ; Cass. com. 2‑5‑2024 n° 22-17.233). L’anomalie peut être matérielle – elle apparaît à la lecture des documents communiqués par le client – ou intellectuelle – elle porte sur des éléments extrinsèques, notamment la nature des opérations effectuées ou leur contexte.

À noter. Au cas présent, la cour d’appel avait déduit l’existence d’anomalies de l’étude des factures. Mais la Haute Juridiction refuse d’imposer à la banque de vérifier que l’opération financée, en l’espèce le paiement de prestations liées à une opération immobilière, était opportune, conforme à l’intérêt du client et justifiée en son montant.

 

Cass. com. 1‑10‑2025 n° 24-17.306

© Lefebvre Dalloz

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